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Lutter contre les logements insalubres : un projet de cité ouvrière à Flers en 1865

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : octobre 1865
  • Référence : M 2398
  • Auteur(s) : Préfecture de l'Orne
  • Lieu(x) : Flers
  • Période(s) : De 1815 à 1914

Présentation :

Ce document est le brouillon d’un courrier adressé par le Préfet de l’Orne, Le Rat de Magnitot, au Ministre de l’Intérieur (Charles Jean Marie Félix, marquis de la Valette) en octobre 1865. Il permet d’évoquer l’insalubrité des logements dans les villes ouvrières en croissance et les tentatives des pouvoirs publics pour y remédier. Le document intégral est disponible ci-dessus au format pdf et la transcription se trouve ci-dessous.

Flers est, dans le troisième tiers du XIXe, la principale ville industrielle de l’Orne. Elle compte en 1866 2 700 ouvriers, majoritairement employés dans l’industrie textile. En 1873, Louis Toussaint, le maire, répond à l’Enquête parlementaire sur les conditions de travail en France et décrit les conditions de vie difficiles de cette population, notamment en ce qui concerne le logement : « A la campagne les habitations sont généralement humides, mal construites, placées presque toujours au milieu de plantations de poiriers et de pommiers qui ne laissent pénétrer ni l’air, ni le soleil. Dans la ville, les logements sont insuffisants : on entasse toute la famille dans une même chambre étroite pour la contenir. Les hernies froides, la phtisie sont fréquentes. » (cité par Gérard Bourdin)

Outre ces maux endémiques, les logements insalubres et surpeuplés sont évidemment propices à la diffusion des épidémies. Ainsi, d’après ce courrier, le choléra qui frappe l’Europe et la France en 1865, a également touché la Normandie. Le maire et certains notables envisagent donc la création d’une cité ouvrière qui offrirait à la main d’œuvre industrielle des logements de meilleure qualité et contribuerait ainsi à réduire les risques pour la santé publique. Ils s’appuient notamment sur l’exemple de Mulhouse où une cité ouvrière est réalisée entre 1853 et 1897. A Flers, cependant, le projet n’aboutira pas mais quelques décennies plus tard, à Saint-Clair-de-Halouze, une cité ouvrière voit le jour pour les ouvriers des mines de fer (voir le chapitre dans ce dossier).

Le projet de cité ouvrière évoqué par ce courrier s’inscrit donc dans le cadre du développement de l’hygiénisme mais aussi dans un mouvement plus vaste de préoccupation envers la « question ouvrière ». Il permet à la fois d’évoquer les conditions de vie des ouvriers et les préoccupations naissantes des autorités publiques pour les questions sociales et sanitaires.

Transcription :

Cités ouvrières de Flers

Le 1[5] octobre 1865,

(Intérieur)

M. le Ministre,

Aucun nouveau décès cholérique n’est venu attrister la ville de Flers depuis mon dernier rapport. Aucun cas nouveau ne s’est produit et tous les malades atteints par le fléau sont aujourd'hui en bonne voie de guérison. Telles sont les dernières nouvelles que je reçois de Flers.

Dans mon rapport du 8 du mois, j’ai eu l’honneur de signaler à V. E. [Votre Excellence] comme une des causes probables de l’épidémie l’insalubrité des habitations de la basse ville occupées par les ouvriers, et les visites nombreuses faites aux malades dans ces derniers temps par le Maire et les médecins de Flers n’ont fait que confirmer cette opinion.

Frappés de ce fâcheux état de choses, plusieurs personnes notables seraient en ce moment disposées à organiser une société pour la construction à Flers de cités ouvrières sur le modèle de celles de Mulhouse, Lille, etc.. M. le Maire de Flers est lui-même à la tête de ce projet mais les renseignements  lui manquent pour arriver à l’organisation de cette société en particulier les dispositions à adopter dans les constructions ; il me demande, en conséquence, de lui transmettre les documents qui lui sont nécessaires et de lui faire savoir si, comme cela a eu lieu en plusieurs circonstances analogues, le gouvernement favoriserait par une subvention la création projetée.

Je vous serai très reconnaissant, M. le Ministre, de vouloir bien me mettre le plus tôt possible à même de transmettre à M. le Maire de Flers les renseignements qu’il réclame de l’administration. Le projet dont il s’agit est digne de toute notre sollicitude et mérite d’être encouragé. Le moment est d’ailleurs on ne peut plus opportun pour une semblable entreprise.