Août 1942 : Gustel, Berthold et Edith Bonnem assassinés à Auschwitz
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Usage pédagogique
- Date du document : 03/09/1942
- Référence : document communiqué par le Musée-Mémorial d'Auschwitz
- Auteur(s) : Quakernarck
- Lieu(x) : Auschwitz-Oswiecim (Pologne)
- Période(s) : De 1914 à nos jours
Présentation :
Berthold Bonnem est arrêté à Alençon avec sa mère Gustel et sa sœur Edith le 13 juillet 1942 au domicile familial, rue des Granges (voir le document dans ce chapitre). Le 17 juillet, ils sont internés dans le camp de Pithiviers dans le Loiret. Le camp est rapidement débordé par l’arrivée des raflés du Vel d’Hiv. Le 31 juillet, Berthold et sa mère Gustel sont déportés dans le convoi n°13 à destination d’Auschwitz, en Pologne. Le train arrive le 2 août.
Le camp d’Auschwitz (Oswiecim) a ouvert depuis le printemps 1940 à la demande de Heinrich Himmler, le chef de la SS. La ville a l’avantage d’être un nœud ferroviaire important. Les nazis y ont d’abord interné des prisonniers de guerre polonais. En mars 41, le camp est agrandi et la société IG-Farben y implante une usine d’essence et de caoutchouc synthétiques (Buna). La première chambre à gaz est expérimentée le 3 septembre 1941 sur des prisonniers de guerre soviétiques et des détenus polonais. Le complexe d’Auschwitz abrite à la fois un camp de concentration et d’extermination. En octobre, on aménage un nouveau camp à Birkenau (Auschwitz II) à trois kilomètres, achevé en août 42. Avec l’extension de la « Solution finale » à toute l’Europe occupée, le camp d’Auschwitz devient le principal centre de mise à mort des nazis.
Lorsque les convois arrivent à Auschwitz, puis directement à Birkenau à partir de juillet 42, les nazis opèrent une première « sélection » sur le quai entre les déportés en état de travailler, et ceux qui vont être directement envoyés dans les chambres à gaz. D'après le Mémorial de Yad Vashem, tous les déportés du convoi n°13 ont été envoyés aux travaux forcés. Ainsi, Gustel a vraisemblablement survécu quelque temps mais on n'en trouve aucune trace dans les archives d'Auschwitz. Aucune trace non plus d'Edtih, arrivée trois jours plus tard par le convoi 14 et probablement assassinée dès son arrivée.
Comme sa mère, Berthold a échappé à la première « sélection » opérée sur les quais de la gare puisqu’il est enregistré comme le montre le document présenté ici (et partiellement traduit ci-dessous), issu des Archives du Musée Mémorial d’Auschwitz. C’est un extrait du registre des décès du camp, le sterbebücher, très incomplet, où figurent les noms de 69 000 prisonniers décédés entre juillet 41 et décembre 43, soit une toute petite partie seulement du nombre total des détenus morts à Auschwitz (1,1 million de personnes). Berthold est donc mort le 23 août ; il aura survécu 21 jours dans l’horreur du camp.
D’après le document, le décès est enregistré par le docteur Meyer. Il s’agit probablement de Georg Franz Meyer (né en 1917), membre de SS depuis 1938. Il est le médecin du camp de juillet à novembre 1942, puis il est affecté dans d’autres camps, dont celui du Struthof en France. Après la guerre, il exercera comme médecin généraliste à Vienne jusqu’à sa retraite en 1981. Par ailleurs, le registre est signé par un certain Quakernack, en tant qu’officier d’état civil suppléant. C’est peut-être Walter Quakernack (1907-1946), officier SS, qui a fait l’essentiel de sa carrière à Auschwitz pendant la guerre, et qui était réputé pour sa cruauté. Il est condamné à mort et exécuté en octobre 1946.
Ce document illustre le monstrueux mélange entre délire idéologique et rationalité opératoire qui caractérise la mise en œuvre du génocide. Enragés par leur antisémitisme, les nazis exterminent les juifs par millions mais ils s’efforcent en même temps de conserver les logiques administratives d’un Etat moderne. On assassine en masse mais on remplit consciencieusement le formulaire. Le document indique même l’heure du décès mais cette information n’a guère de valeur. Qui se souciait, alors que l’on exterminait à grande échelle, de noter l’heure des décès ?
On ne peut accorder guère plus de crédit aux informations sur les causes de sa mort : « « Infection intestinale, affaiblissement corporel général ». Ce qui est sûr en revanche, c’est que Berthold avait 17 ans et qu’il était apprenti-boulanger à Alençon ; en quelques semaines, il est arraché à son domicile de la rue des Granges, à deux pas de la Sarthe, puis précipité dans l’horreur d’un camp d’extermination en Pologne. On l’a rasé, tatoué, affublé d’un uniforme rayé prélevé sans doute sur un détenu mort avant lui, puis envoyé au travail forcé. S’il ne l’a pas compris tout seul, les autres détenus lui auront expliqué que sa petite sœur Edith a sans doute été assassinée. Alors « Infection intestinale, affaiblissement corporel général » ? Peut-être, mais plus sûrement sous-alimentation, épuisement et désespoir.
Transcription :
N° 24346/1942
Auschwitz, le 3 septembre 1942,
Le boulanger Berthold Bonnem, juif, domicilié à Alençon, France, 23, rue des Granges, est décédé ce 23 août 1942 à 21 heures 20 minutes à Auschwitz, Route de la Caserne.
Le décédé est né le 25 février 1925 à Merzig
Père : Marcel Bonnem
Mère : Gustl (sic) Bonnem née Kahn
Enregistré par écrit par le docteur en médecine Meyer à Auschwitz le 23 août 1942
Copie conforme à l’original
Auschwitz, le 3.9. 1942
L’officier d’état civil suppléant : Quakernack
Cause de la mort : infection intestinale et affaiblissement général
Thématique(s) :
- Sciences sociales : Facteurs influençant le comportement social : Population : Contrôle de la population. Planning familial : Génocide. Purification ethnique
- Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire : Histoire générale par continents, pays, régions du monde ancien et moderne : histoire de l'Europe
1918- : Seconde Guerre mondiale, 1939-1945 : Histoire sociale, politique, économique. Camps de concentration. Holocauste