Septembre 1940 : le marquage des magasins
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Usage pédagogique
- Date du document : 30/10/1940
- Référence : 86 W 4
- Lieu(x) : Alençon
- Période(s) : De 1914 à nos jours
Présentation :
Le 27 septembre 1940 paraît la 1ere ordonnance allemande contre les juifs en France occupée. Elle constitue une étape majeure dans la persécution des juifs en France.
Elle est accompagnée d’instructions pour définir les juifs : « ceux qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive, ou qui ont plus de deux grands-parents juifs ». Elle prescrit le recensement obligatoire des juifs de la zone occupée et interdit à ceux qui l’auraient quittée d’y revenir. Elle impose également d’apposer une affiche portant la mention « Entreprise juive » en français et en allemand sur les commerces détenus par des juifs.
Cette mesure n’est pas la première prise par les Allemands contre les juifs de la France occupée. Dès le mois de juillet, ils avaient entrepris d’expulser tous les juifs d’Alsace vers la zone libre, puis les juifs de Lorraine en août. Du côté de Vichy, les premières mesures antisémites remontent aussi au mois de juillet : deux semaines après l’instauration du nouveau régime, un décret-loi avait annoncé une révision des naturalisations des juifs étrangers réalisées depuis 1927. Cependant, l’ordonnance du 27 septembre est la première qui vise tous les juifs de zone occupée et pose ainsi de sinistres jalons.
La décision et la mise en œuvre de cette mesure illustrent le processus conjoint de concurrence et de collaboration entre Vichy et les Autorités allemandes pour organiser la persécution. En effet, la décision est prise par les Allemands alors que Vichy s’apprêtait à agir dans le même sens. Les Allemands devancent Vichy délibérément pour montrer aux vaincus que l’initiative leur revient. Le projet avait été présenté en août au Ministre des Affaires Etrangères du Reich, Ribbentrop, par son ambassadeur en France, Otto Abetz. Celui-ci envisageait alors déjà de faire porter aux autorités de Vichy la responsabilité de l’application de ces mesures.
C’est bien ce qu’il se passe comme le montre le document présenté ici. Il s’agit d’un courrier du commissaire de police d’Alençon adressé au préfet de l’Orne, Paul Amade (remplacé par Georges Besnard quelques jours plus tard). Sur un papier qui porte encore l'en-tête "République française", le commissaire rend compte de l’exécution des mesures concernant les affiches « magasins juifs ». Ainsi, l’entreprise de brocante d’Alfred et Egard Kahn, installée rue du Boulevard, dans le quartier de Monsort à Alençon, est marquée au cours du mois d’octobre 1940, tout comme la mercerie « Au rouet d’Alsace » au centre-ville. Dans tout le département, ces mesures sont appliquées. Quelques semaines plus tard, le nouveau préfet, Georges Bernard, en poste depuis le mois de novembre, demande au maire d’Alençon, Charles Chesneaux, de vérifier que cette obligation est toujours bien remplie. Les autorités souhaitent que les affiches ne soient pas accompagnées d’autres mentions telles que « entreprises françaises » par exemple.
L’avancement des mesures de recensement et de marquage des magasins est systématiquement communiqué par la préfecture aux autorités d’occupation qui disposent ainsi des listes nominatives des juifs recensées par l’administration française. Ainsi les premières étapes du processus génocidaire sont mises en place. A ce stade, Vichy et l’Allemagne nazie travaillent ensemble.
Transcription :
Sûreté générale République française
Ville d’Alençon Alençon, le 30 octobre 1940
Commissariat de Police
Le Commissaire de Police d’Alençon
à Monsieur le Préfet de l’Orne
Comme suite à la circulaire que vous m’avez transmise et relative aux mesures ordonnées à l’égard des Juifs, j’ai l’honneur de vous faire connaître que des affiches du modèle indiqué dans la dite circulaire ont été apposées sur les portes des 2 seuls magasins juifs existant à Alençon, à savoir :
Maison Kahn, chiffonnier-brocanteur, R. du Boulevard.
Maison Falck, « Au Rouet d’Alsace », R. aux Sieurs.
Le café sis au 23 Grande Rue qui était tenu jusqu’à ce jour par un nommé Netter de confession israélite, est exploité actuellement, par suite de cession, par un autre propriétaire non-juif.
Le nommé Kahn qui exploitait ces temps derniers au 37 R. de l’Ecusson une maison de « mode en gros » a également cessé son commerce.
Le Commissaire de Police.
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