Juin 1942 : le port obligatoire de l'étoile jaune

Présentation :

Le 1er juin 1942, suite à une décision prise par le commandement militaire allemand le 29 mai, la 8e ordonnance « concernant les mesures contre les juifs » impose aux juifs le port d’une étoile « à six pointes ayant la dimension de la paume d’une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caractères noirs, l’inscription « juif». Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement. » (VOBIF 8, 1er juin 1942 ; voir document annexe). Le port de l’étoile a d’abord été imposé en Pologne occupée dès 1939, puis dans les autres territoires d’Europe centrale et orientale passés sous le contrôle nazi. Elle est mise en vigueur en Allemagne en septembre 1941 puis finalement étendue aux Pays-Bas, à la Belgique et à la France.

L’obligation de porter l’étoile jaune est sans doute la plus connue des mesures infamantes contre les juifs et elle constitue encore un nouveau pas vers le génocide, après le recensement et la mention « juif » obligatoire sur la carte d’identité. Elle s’inscrit dans la continuité d’une série de législations discriminatoires qui, petit à petit, enferment les juifs de France dans une nasse. En août 41, on leur avait interdit de posséder une radio (voir le document dans ce dossier) et une bicyclette. En février 42, on leur impose un couvre-feu particulier. En juin, après l’étoile, viennent de nouvelles restrictions : interdiction d’accéder aux lieux publics (parcs, restaurants, théâtres, bibliothèques), obligation de faire ses courses entre 15 h et 16 h.

Dans l’Orne, la préfecture s’empresse de faire appliquer la mesure qui doit entrer en vigueur le 7 juin. Le document présenté est le bordereau portant la liste des juifs d’Alençon qui se sont présentés à la mairie pour retirer leur étoile après avoir reçu leur convocation de la préfecture (voir document annexe). Chaque étoile est « facturée » un point de textile sur la carte de rationnement… ce sont donc les persécutés eux-mêmes qui financent leur persécution. On peut lire sur le document la signature de Gustel Bonnem, venue chercher les étoiles pour ses enfants, Edith et Berthold. Le bordereau ne mentionne pas Rudolph qui, avec ses 13 ans, est pourtant contraint de porter l’étoile. Gustel a reçu également les étoiles pour ses parents, Julius et Ida, et pour sa belle-mère, Rebecca Bonnem.

Le régime de Vichy refuse d’imposer la mesure en zone non-occupée, « plus par peur de la réaction de l’opinion que par sollicitude pour les juifs » (J. Jackson, La France sous l’occupation, Flammarion, 2004). De fait, la mesure semble mal reçue par la population. Certaines personnes non juives arborent l’étoile par solidarité ou des insignes fantaisistes (« auvergnat », « zazou ») mais ces initiatives sont vite réprimées. De nombreux témoignages évoquent des gestes plus discrets de solidarité. Ainsi, Ida Kahn écrit dans son journal, le 25 juin : « Pendant ses achats, une dame a suivi Gustel et s’est adressée à elle : « je ne vous connais pas mais je dois vous serrer la main ». Presque tous les jours, elle et Lilli reçoivent des preuves de sympathie, soit verbalement soit par des regards. » Ces marques de sympathie signalent un retournement de l’opinion publique française envers le régime de Vichy et particulièrement envers le sort des juifs, dont on se souciait jusqu’alors assez peu. Mais l’étoile rend la persécution visible et c’est pour cette raison qu’elle en est devenue l’emblème.

Thématique(s) :

• Philosophie, parapsychologie et occultisme, psychologies : Morale (éthique) : Morale des relations sociales : Pratiques discriminatoires
• Sciences sociales : Science politique (politique et gouvernement) : Idéologies politiques : Idéologies fondée sur le racisme : Idéologies politiques fondées sur le racisme en France
• Sciences sociales : Science politique (politique et gouvernement) : Droits civils et politiques : Des groupes minoritaires : Des groupes éthniques et nationaux
  Des groupes spécifiques : Droit civil des juifs
• Technologie (sciences appliquées) : Économie domestique, vie familiale : Couture, confection de vêtements, vie personnelle et familiale à la maison : Le vêtement