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L'industrialisation du secteur textile

  • Période(s) : De 1815 à 1914 , De 1914 à nos jours
Basée sur le chanvre, le lin ou la laine, l’activité de production textile pour un usage local était présente de manière diffuse dans toute l’Europe depuis le néolithique. A partir du Moyen Age cependant, certaines régions commencent à se spécialiser et à commercialiser leur production. En Normandie, c’est à l’époque moderne que l’on voit émerger quelques centres de production, comme par exemple Alençon, Mortagne, Vimoutiers ou Domfront, réputés pour leur production de toile. Contrôlé par quelques maîtres fabricants, le tissage se fait alors à domicile et évidemment à la main. Le secteur va connaître de profondes mutations au cours du XIXe siècle.
D’abord, le coton, venu d’Amérique, vient concurrencer les fibres végétales traditionnellement tissées en Normandie. Si la production de toile de lin et de chanvre reste dynamique à Alençon jusqu'au deuxième tiers du XIXe siècle, les autres centres du département voient leur activité textile décliner. En revanche, dans le Bocage, l’adoption du coton permet un développement important. Ainsi recomposée, la production textile « proto-industrielle », fondée sur le travail manuel à domicile, connaît son apogée autour des années 1860. Alors, dans les campagnes autour d’Alençon, 20 000 tisserands, pour la plupart à domicile, tissent le lin et le chanvre tandis que dans l’arrondissement de Domfront, les fabricants de toile de coton de Flers ou de La Ferté-Macé emploient 50 000 tisserands à main. Dans cette zone, d’après Gérard Bourdin, près d’une personne est occupée dans le secteur textile (mais pas toujours à temps plein).

Ensuite, même si la production manuelle résiste jusqu'au début du XXe siècle, le secteur va être bouleversé par la mécanisation, de la filature d’abord, dès les années 1850, puis du tissage pendant les années 1860. Gérard Bourdin indique ainsi que « de 1862 à 1874, neuf tissages mécaniques sont fondés à La Ferté-Macé ; de 1864 à 1885, neuf le sont aussi à Flers qui se modernise plus rapidement mais finit par dominer » (dans L’Orne de la préhistoire à nos jours, p. 274). En effet, le secteur textile décline lentement à La Ferté-Macé au cours de la fin du XIXe tandis qu’il se développe à Flers où, en 1907, la fusion des entreprises Frémont et Duhazé donne naissance à la Société Générale des Filatures et Tissages de Flers.

Les conditions de travail sont difficiles dans les tissages mécaniques. « A Flers, l’espérance de vie chez les ouvriers du textile passe de 39 ans en 1860-1863 à moins de 35 ans vers 1880 » (G. Bourdin). De plus, la Grande Dépression de 1875-1895 entraîne une baisse des salaires puis la reprise amène une hausse des prix au début du XXe siècle. Les ouvriers vivent donc pauvrement dans des logements peu salubres même si, toujours selon G. Bourdin, « …la situation ne doit pas être exagérée » car « un tiers des ouvriers du textile flérien réussit à être propriétaire. » (L’Orne de la préhistoire à nos jours, p. 276).

Les documents présentés dans ce chapitre portent pour la plupart sur les tissages mécaniques de Flers et de La Ferté-Macé. On pourra aussi se reporter au chapitre sur les grèves et l’action syndicale qui présente plusieurs documents en lien avec ce secteur d’activité et permet d’aborder la question des conditions de travail.