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Maurice Retour, un patron social ?

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 1911
  • Référence : 129 FI 17
  • Auteur(s) : G. Courcelle
  • Lieu(x) : La Ferté-Macé
  • Période(s) : De 1815 à 1914
  • Type(s) de document : Photographie

Présentation :

Cette photographie est extraite d’un ensemble de prises de vue, sans doute à vocation promotionnelle, réalisées en 1911 par G. Courcelle. Elles présentent les différents ateliers de production, les ouvriers, les patrons, etc. Ici, le photographe nous donne à voir l’équipe dirigeante de l’entreprise prenant la pose. On reconnaît les deux directeurs de l’entreprise : debout, au centre, Maurice Retour et à sa droite Henri Rogez, son beau-frère (il a épousé Jeanne, la sœur de Maurice, en 1907).

Maurice est l’arrière-petit-fils du fondateur de l’entreprise. Il naît en janvier 1889 ; d’abord scolarisé au petit Séminaire de La Ferté-Macé, il poursuit ses études au lycée Jeanson-de-Sailly à Paris, puis à Lille dans un établissement religieux.

Maurice est profondément chrétien ; à Lille, il reçoit l’enseignement d’un professeur proche du Sillon. Ce mouvement progressiste catholique est fondé par Marc Sangnier en 1898 dans l’esprit de l’encyclique Rerum Novarum (1891) du pape Léon XIII, qui montre une ouverture à la modernité politique et sociale. Les adeptes du Sillon considèrent que l’Eglise ne doit pas abandonner la question sociale aux socialistes et doit se tourner vers la classe ouvrière afin de la ramener dans la foi chrétienne.

Le décès précoce de son père en 1905 perturbe sans doute les projets de formation du jeune Maurice. D’après M. Louvel, après son baccalauréat, il suit une formation aux métiers du textile à Lille puis revient à La Ferté-Macé en 1910 pour prendre la direction de l’entreprise familiale.

L’influence des idées du Sillon et sa conception de l’entreprise comme une grande famille le conduisent à adopter une forme de paternalisme envers ses ouvriers. Ainsi, par exemple, lors de son mariage avec Yvonne Huet en 1912, les ouvriers obtiennent une journée de congé payé et reçoivent chacun un album-souvenir. De même, à chaque naissance, l’entreprise offre de la layette et à Noël les enfants reçoivent des cadeaux. Maurice Retour institue aussi une garderie pour les petits et organise une colonie de vacances à l’été 1911.

Il fait aussi montre d’un véritable progressisme qui témoigne d’une volonté sincère d’améliorer les conditions de vie de son personnel. Ainsi, il aménage dans l’entreprise une forme de cuisine pour que les ouvriers puissent réchauffer leur soupe. En 1913, il est aussi le premier patron fertois à mettre en place la « semaine anglaise », c'est-à-dire avec le samedi après-midi et le dimanche chômés, en échange d’un horaire allongé les matinées travaillées. De même, il crée une caisse de secours mutuel que les ouvriers doivent gérer eux-mêmes. Ces innovations, d’après M. Louvel, suscitent l’irritation de son beau-frère, co-directeur de l’entreprise ainsi qu’un certain scepticisme dans les milieux patronaux du Bocage.

Ainsi, Maurice Retour, aussi bien par charité chrétienne que par conviction sociale, souhaite sincèrement l’amélioration de la condition ouvrière. Cela dit, il reste un chef d’entreprise soucieux de la rentabilité de son affaire, notamment par le maintien de faibles salaires. Lorsqu’une partie des employés se met en grève en mai 1915 pour demander une augmentation, Maurice, alors capitaine au front, ne comprend pas et écrit que cette grève lui « brise le cœur ». On voit ici les limites de ses préoccupations sociales.