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Les Prestavoine, une famille de Justes à Frênes

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 26/11/2007
  • Référence : 536 J 73
  • Auteur(s) : Renée Prestavoine
  • Lieu(x) : Frênes
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Le document présenté permet d’illustrer une action très concrète, simple et admirable de « résistance à la déportation » : le sauvetage d’un enfant juif par une famille ornaise reconnue en 2010 « juste parmi les nations ». Il s’agit d’une lettre écrite en 2007 par Andrée Prestavoine, fille aînée de la famille, pour documenter auprès de l’Institut Yad Vashem le sauvetage opéré par ses parents pendant la guerre. Nous y ajoutons une (mauvaise !) photocopie d’un courrier rédigé en 2007 par Raymond Ganopolschii, l’enfant sauvé, qui est à l’initiative de la démarche auprès de Yad Vashem.

C’est en 1953 que l’Etat d’Israël décide de recenser et d’honorer du titre de « juste parmi les nations » les non Juifs qui, pendant la guerre, ont entrepris au péril de leur vie de sauver des juifs. Depuis, l’Institut Yad Vashem, chargé de cette mission, a recensé 28 217 « justes » dont 4206 Français. De toutes origines et de tous milieux sociaux, ils ont agi de différentes manières : en fournissant aux juifs un abri, des faux papiers, ou en les  aidant à s’enfuir.

Yad Vashem cependant n’a pas pu recenser tous ceux qui ont ainsi résisté à la déportation. Certains malheureusement ont été arrêtés et assassinés, comme leurs protégés, et personne ne témoignera de leur engagement. D’autres, considérant leurs actions comme tout à fait normales, refusent de se faire reconnaître.

Quoi qu’il en soit, l’Institut Yad Vashem dénombre une petite quarantaine de « justes » dans l’Orne et l’on trouve parmi eux Emile et Denise Prestavoine. Pendant la guerre, ils étaient épiciers dans le petit village de Frênes (au Nord-Ouest de Flers). En 1942, un ami parisien les informe de la situation désespérée de Haica Ganopolschii, juive d’origine moldave (République soviétique à l’époque), arrivée en France en 1929 avec son mari Jacob. Arrêté en 1941, Jacob est d’abord détenu à Drancy puis déporté pour Auschwitz en juin 1942 (convoi n°3). Il n’en reviendra pas. A Paris, Haica a de plus en plus de mal à se cacher avec trois enfants : Marcel, l’aîné, né en 1933, Mariette et le petit Raymond, né en février 1939. C’est un voisin, membre de l’Œuvre de  Secours aux Enfants (OSE), qui leur trouve un refuge en Normandie. Depuis le début de la guerre, l’OSE organise le sauvetage des enfants juifs.

Les Prestavoine acceptent donc, au péril de leur vie, de prendre en charge les deux plus jeunes, Raymond et Mariette, tandis que Marcel est placé dans une famille de Vire (Manche). Le document présenté raconte la suite de l’histoire. Pendant toute la guerre, Raymond et sa sœur vivent dans la famille, avec leurs trois enfants âgés de 15, 10 et 8 ans en 1942. Les voisins connaissent leur présence mais ils ne savent pas qu’ils sont juifs. Les Prestavoine apportent aussi leur aide à Haïca restée à Paris en lui envoyant des colis.

Après la guerre, Raymond retourne à Paris avec sa sœur pour vivre avec leur mère. Marcel, le grand frère, se tue accidentellement en novembre 1945 en jouant avec des munitions. Tous les autres membres de la famille proche ont été assassinés en déportation. Raymond et sa sœur perdent rapidement le contact avec les Prestavoine.

Les récits d’Odette Prestavoine et de Raymond Ganopolschii ont donc été recueillis bien longtemps après les faits, en 2007, lorsque Raymond a entrepris de faire reconnaître la famille Prestavoine « juste parmi les nations ». Cette distance temporelle ne doit pas nous étonner ; la plupart des dossiers des « justes » ont été instruits tardivement. Raymond lui-même écrit qu’il ne connaissait pas Yad Vashem « cet organisme en charge de faire ( ?) ces sauveurs parmi les justes des nations. »  Dans son témoignage, récolté et mis en ligne par le Mémorial de la Shoah, il raconte comment, âgé de 70 ans, il a éprouvé le besoin de combler le vide de souvenirs de sa petite enfance. Il ajoute malgré tout qu’il se souvient d’avoir vécu à Frênes une « enfance heureuse » dans la famille de ses sauveurs.

Transcription :

Mme Prestavoine Andrée

 26 novembre 2007

5 rue de la gare

Flers 61100

Témoignage,

Pendant la guerre 1939-1945 mes parents tenaient une petite épicerie et café à la Brigaudière commune de Frênes près de Tinchebray.

J’étais l’ainée des trois enfants, j’avais 15 ans mon frère 10 et ma jeune sœur 8.

Je devais aider a faire tout le travail ainsi que le ravitaillement de l’épicerie nous habitions à 10 km de Flers et 5 de Tinchebray.

Un jour j’ai appris par mes parents qu’un petit garçon qui n’avait pas encore 4 ans arriver dans notre famille, pour le protégé ainsi qu’une sœur de 8 ans dont nous n’avons jamais eu de nouvelles.

Le papa venait d’être arrêter par la police en se rendant à son travail alors qu’il portait sur lui l’étoile jaune. Il fut interné au camp d’Auchwitz. Il a fait partis des 6 millions de juifs déportés qui n’en sont jamais revenus. Je sais mieux que personne, car j’ai un oncle qui est lui est resté là bas aussi dénoncé par une voisine proche.

Lorsque j’ai vu ce petit garçon arrivé à la maison et sa sœur nous les avons tout de suite pris en amitiés. Il me prenait la main pour aller chercher le beurre, la crème et les œufs a la ferme qui était près de chez nous. Je lui faisais la toilette je l’habillais il me prenais la main et nous allions voir les grand parent qui habitaient tout près. Au moment des bombardements nous allions dormir à la campagne loin de la route passagère.

Nous avons même du évacué une quinzaine de jours car cela se passait très mal nous étions en bordure de route bien entendu les petits suivaient partout ou l’ont devais aller.

Après notre retour à la maison il a fallu beaucoup de temps pour retrouvé chaque chose disparue mais nous étions heureux tous d’avoir retrouvé notre maison et le calme et la crinte de revoir les Allemands

La vie devenait plus facile et le ravitaillement devenait plus facile. Je me souviens aussi avoir envoyer des colis rue Montreuil à Paris chez la concierge pour la maman des enfants.

Je me souviens très bien que Raymond Ganopolschii et sa sœur Mariette appelaient mes parents Papa et Maman, cela ne nous gêner pas c’était si gentil que l’on considéré comme frère et sœur

Après les recherches faitent par Raymont nous avons étés si heureux de le retrouver que c’est vraiment gravé dans nos cœurs, quand a sa visite en juin nous avons réalisé un rêve de jeunesse

Quand la maman est venue le chercher fin 1945 nous nous sommes tous retrouvés seul comme si l’on aurait perdu quelqu’un de cher, il a fallu beaucoup de temps pour se remettre. J’ai eu ma maman 23 ans avec moi elle me parlait souvent de Raymond elle est décédée voilà 12 ans elle aurait été si heureuse de le revoir, en ce qui me concerne je suis très heureuse que Raymond est fait cette demarche pour nous retrouvé et venir nous rendre visite cela a été un bonheur partagé, il me téléphone tous les quinez jours pour prendre des nouvelles c’est vraiment un très gentil garçon je suis très heureuse de la démarche qu’il a fait

Je vous prie de croire Madame à ma sincère reconnaissance

A. Prestavoine

  • Emile et Denise Prestavoine en 1946 (Yad Vashem).pdf

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  • lettre Raymond Ganopolschii 536J73 9-07-2007.pdf

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  • lettre Andrée Prestavoine 536J73 26-11-2007.pdf

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