Les écoles sous surveillance : l'affaire des tracts de Montsort

Présentation :

Le document présenté montre que l’école reste sous une étroite surveillance sous le régime de Vichy qui craint qu’elle ne soit un lieu de propagande hostile au régime. Il est disponible dans son intégralité en format .pdf par le lien ci-dessus.

Il s’agit du procès-verbal de l’audition d’Alice Béglin, directrice de l’Ecole (primaire) des filles de Montsort à Alençon, rédigé le 30 octobre 1941 par le commissaire spécial Le Quénio, en charge des questions politiques, au sujet de tracts introduits par une élève dans l’école.

Voici les faits : d’après le procès-verbal, aux alentours du 20 octobre 1941, un ouvrier agricole (« commis » ) trouve dans un champs de betteraves des tracts imprimés portant notamment le slogan : « la Russie vaincra malgré la prise de Moscou ». Il rapporte l’un de ces tracts à sa patronne, Marie-Josèphe Legras, agricultrice, dont la fille est scolarisée à l’école de Montsort. Le 22 octobre, la fillette apporte le tract à l’école et le montre à sa maîtresse, Alice Béglin, qui le déchire immédiatement et convoque Marie-Josèphe Legras pour lui demander des explications. Après cet entretien, elle adresse aussitôt un courrier à son inspecteur pour l’informer (document 1677W1, disponible ci-dessus au format pdf) ; c’est vraisemblablement l’inspecteur qui a prévenu les services de police. Il semble, d’après les archives, que l’affaire s’est arrêtée là, après l’audition réalisée par le commissaire.

On le voit : ce sont des faits assez banals. Comme le suggère la directrice, les tracts ont pu être largués par l’aviation britannique. Rappelons que l’Allemagne nazie a attaqué l’URSS en juin 1941 ; au cours de l’été, les troupes allemandes se sont rapidement rapprochées de Leningrad et Moscou. Rien d’étonnant à ce que la propagande alliée cherche alors à contrecarrer les déclarations triomphales des Allemands, relayées par Vichy. On trouve dans les Archives de nombreuses mentions de tracts ainsi transmis par voie aérienne.

On peut s’interroger évidemment sur la sincérité des déclarations de Marie-Josèphe Legras. En laissant sa petite fille apporter le tract à l’école, peut-être tentait-elle de sonder les opinions de la directrice. On n’en saura rien ; ce qui est certain en revanche, c’est que cette dernière s’empresse de se mettre à l’abri en détruisant le tract et en prévenant immédiatement son inspecteur, lequel en fait autant en prévenant la police. Cette réaction illustre l’atmosphère de suspicion et de peur qui régnait alors sous le régime de Vichy, ainsi que la surveillance qui pesait tout particulièrement sur les écoles.