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La suspicion pèse sur les enseignants

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 08/04/1942
  • Référence : 2 W 27
  • Auteur(s) : Procureur de la République
  • Lieu(x) : Domfront
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Comme le précédent (le tract à l’école de Montsort), ce document permet d’illustrer l’atmosphère de surveillance et de suspicion qui règne sous Vichy, tout particulièrement envers l’école.

C’est un courrier du Procureur de la République de Domfront adressé au préfet de l’Orne, le 8 avril 1942, au sujet d’une institutrice du collège de Flers, Mme Laurent. Le procureur explique au préfet que, selon lui, il n’est pas nécessaire d’ouvrir une procédure judiciaire contre cette institutrice mise en cause par un parent d’élève.

De quoi s’agit-il ? D’après le courrier du procureur, on comprend que, au début du mois de février 1942, Mme Laurent s’est emportée contre un élève de 7e (l’équivalent aujourd'hui du CM2), Henri Tuloup, qui souhaitait coller sur son cahier une photographie du maréchal Pétain. Or l’institutrice, qui, selon ses déclarations, n’avait pas vu qu’il s’agissait du maréchal Pétain, le lui aurait interdit. Comme le jeune Tuloup persiste dans son projet, Mme Laurent se fâche et lui colle la photographie sur le front. D’autres documents rapportent que, revenu à la maison, Henri Tuloup s’est plaint à ses parents, lesquels engagent une procédure à l’encontre de l’Institutrice. Et c’est ainsi que l’affaire remonte jusqu’aux renseignements généraux puis au Procureur de la République, qui décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre pour « offense au chef de l’Etat », un chef d’accusation très sérieux dans la France du maréchal.

Beaucoup de bruit pour rien, dira-t-on. Il n’empêche que cette petite affaire révèle bien des aspects de la France de Vichy. D’abord, la situation d’Occupation et la collaboration sont propices aux règlements de compte ; on voit ici que les parents d’Henri Tuloup, pour protéger leur garçon, sans doute trop turbulent, n’hésitent pas à lancer des accusations graves qui s’apparentent à une dénonciation. La manœuvre des parents montre aussi que l’on ne plaisantait pas avec l’image du maréchal Pétain, objet d’un véritable culte dans la France de Vichy. Enfin, la réaction des autorités policières, même si elle n’aboutit pas sur des poursuites, illustre à quel point l’école et les maîtres sont surveillés. Vichy ne leur fait pas confiance.