L'arrivée de la guillotine à Alençon
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Usage pédagogique
- Date du document : septembre 1792
- Référence : (Arch. dép. Orne, L 1306)
- Lieu(x) : Alençon
- Période(s) : Révolution et Empire (1789-1815)
- Type(s) de document : Estampe / Gravure / Lithographie
Présentation :
La décision d’installer une guillotine dans la préfecture du département fut prise en septembre 1792, dans le cadre de la “première Terreur », qui suit la prise des Tuileries et la destitution du roi le 10 août 1792. La lettre du ministre Clavière informe les autorités du département de l’envoi de la machine le 17 septembre. Il semblerait qu’il y ait eu un peu de confusion dans l’administration centrale puisque dix jours plus tard, Danton, ministre de la justice informe le département qu’il va saisir Clavière de la question… qui est déjà réglée.
L’image de la guillotine, qu’on le veuille ou non, est indissociablement attachée à la Révolution française. Elle en résume deux caractéristiques essentielles : la passion de l’égalité et la violence.
L’invention attribuée (à tort !) à Guillotin s’inscrit dans le cadre de la réforme de la justice entreprise par les révolutionnaires. Il s’agit de garantir l’égalité de tous les citoyens, y compris face à la peine capitale. Rappelons que, sous l’Ancien Régime, les roturiers condamnés à mort étaient pendus tandis que les nobles avaient le privilège d’être décapités à la hache. Or, la guillotine doit assurer l’égalité.
Influencé par les philosophes des Lumières, Guillotin souhaite aussi que l’on exécute les condamnés sans souffrance inutile. Il faut mettre fin aux peines infâmantes et discriminatoires de l’Ancien Régime, perçues comme la survivance de pratiques archaïques. Mise au point en 1791-92 par le docteur Antoine Louis et le facteur de clavecin Tobias Schmidt, la « machine à décapiter » permet donc de mettre l’exécution de la justice en conformité avec le décret pénal adopté le 25 septembre 1791 : « Article 2. La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés. Article 3. Tout condamné aura la tête tranchée. ». Le 21 août 1792, Louis David Collenot d’Angremont est le premier condamné politique décapité par la machine.
Dès la fin de l’été 1792, dans le cadre de ce que l’on appelle la première Terreur, marquée notamment par les massacres de septembre, les machines à décapiter sont donc envoyées en province. Sur l’ensemble du territoire français, entre août 92 et juillet 94, environ 18 000 personnes sont décapitées. A Alençon, elle est utilisée à 15 reprises au moins pendant cette période, notamment dans la répression de la chouannerie. En juin 1793, le Procureur général du département demande qu’on la peigne en rouge afin que les traces de sang ne se remarquent pas trop car « elle fait horreur à voir ». Il demande également que les bourreaux prennent soin de bien rincer le sol après l’exécution car « il répugne à l’humanité de voir les chiens laper le sang de ces hommes » (Arch. Dép. 61, L5198). Elle fait horreur sans doute mais les exécutions restent publiques et constituent toujours un spectacle puisque l’on prêtait alors à la peine de mort des vertus dissuasives.
Pour aller plus loin :
Bruno Cortequisse, La sainte guillotine, Editions France-empire, Paris, 1988.
Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, s.v. « Guillotin » et « Terreur », Paris, PUF, 1989.
Transcription :
Légende de la gravure
« Pour éviter que le tranchoir ne s'ébrèche, il faut avoir soin de ne laisser tomber le mouton de toute sa hauteur que pour l'exécution. Il faut aussi avoir l’attention, avant l'exécution, de décrocher la corde du mouton pour qu'il soit entièrement libre dans sa chute. »
Lettre de Clavière, ministre des Contributions publiques, annonçant l'envoi d'une guillotine à Alençon et gravure jointe, 17 septembre 1792
Paris, le 17 septembre 1792. L'an 4e de la liberté.
Le sieur Schmidt, Messieurs, vient de me rendre compte qu'il avoit charge par la voye du roulage à votre adresse une machine à décapiter. Je m'empresse de vous en prévenir en vous priant de m'en accuser 1a réception lorsqu'elle vous sera parvenue. Je joins ici la gravure de cette machine en même temps que de l'échaffaud qui devra être construit sur les lieux.
Le ministre des Contributions publiques,
Clavière.
Lettre de Danton, ministre de la Justice, adressé aux administrateurs du département, 27 septembre 1792.
Paris, ce 27 septembre 1792 l’an 4e de la liberté et le 1er de l’égalité et de la république française.
J’ai reçu, Monsieur, la lettre par laquelle vous exposez la nécessité de faire parvenir au département de l’Orne la machine destinée à l’exécution des jugements criminels. Je viens de transmettre cette demande au Ministre des Contributions et l’invite à donner les ordres les plus prompts à cet égard.
Le Ministre de la Justice,
Danton.
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lettre Danton guillotine L1306-2.pdf
Lettre de Clavière.pdf