La famille Zalcberg, cachée à Ronfeugerai

Présentation :

Après la Libération, les autorités françaises entreprennent de recenser les Juifs qui ont réussi à échapper à la déportation. Le 5 octobre, le préfet de l’Orne adresse donc un courrier aux maires du département afin qu’ils signalent les juifs qui se seraient cachés dans leur commune pendant la guerre.

Le 6 novembre 1944, le maire de Ronfeugerai (village aujourd’hui intégré à la commune nouvelle d’Athis-Val-de-Rouvre) envoie au préfet une liste de 4 noms, 4 membres de la famille Zalcberg qui ont vécu dans le village depuis juillet 1942 : Jacques Zalcberg, né à Lodz en Russie (aujourd'hui en Pologne) le 2 février 1908, son épouse, Fajga, née le 31 mai 1910 à Lodz et leurs deux enfants : Charles, né à Paris le 9 décembre 1932 et Simone, née à Paris le 6 décembre 1936 (le courrier du maire est téléchargeable ci-dessus en version .pdf)

Le document présenté est la copie certifiée conforme par le maire de Ronfeugerai d’un courrier du commissaire de police d’Auteuil (Paris, 16e) au sujet de Jacques Zalcberg. Ce courrier répond peut-être à une question de la Préfecture, ou du maire de Ronfeugerai ; peut-être même est-ce la famille Zalcberg qui est à l’origine de la démarche, soucieuse de savoir ce qu’il était advenu de leur appartement parisien du boulevard Exelmans ?

Quoi qu’il en soit, ce petit courrier nous révèle une histoire peu ordinaire : Jacques Zalcberg, qui exerçait alors le métier de tailleur, est arrêté le 14 mai 1941 à Paris lors de la rafle dite « du billet vert », qui fut la première grande rafle de juifs étrangers opérée par les autorités françaises. Après avoir été convoqués par un « billet vert », 3700 hommes sont ainsi transférés dans le camp de Pithiviers (Loiret).

Ce camp, comme celui de Beaune-la-Rolande situé à quelques kilomètres, a été construit en 1939 pour pouvoir accueillir des prisonniers de guerre allemands. En fait, il servira d’abord pour enfermer les prisonniers de guerre français avant leur transfert en Allemagne. A partir d’avril 41, il devient un camp d’internement pour les juifs étrangers, géré par les autorités de Vichy. Le 25 juin 1942, le premier convoi de détenus quitte Pithiviers pour Auschwitz.

Mais à cette date, Jacques Zalcberg n’est plus à Pithiviers : il s’en est échappé le 3 avril 1942, après une année de détention. Nous ne savons rien de cette évasion - exceptionnelle car seuls 700 personnes sur les 16000 détenus sont parvenues à s’échapper du camp, le plus souvent grâce au soutien de certains habitants des environs. Nous ne savons pas plus comment Jacques Zalcberg parvient à retrouver sa famille, probablement restée à Paris - la rafle du billet vert ne concernait que les hommes. Et enfin, nous ne savons pas comment ils sont arrivés à Ronfeugerai en juillet 1942 (fuyant la rafle du Vel’d’Hiv’ ?) ni comment ils ont pu y rester plus de deux ans sans être identifiés par les autorités allemandes ou françaises. Il est très vraisemblable qu’ils ont dû recevoir une aide locale mais le Mémorial de Yad Vashem n’a pas identifié de « juste » à Ronfeugerai.

Il reste donc beaucoup d'inconnus dans cette histoire, ce qui est assez révélateur de l'état de nos sources sur ces sujets. Ce silence des archives témoigne justement de la réussite de la clandestinité de la famille.

Transcription :

Quartier d’Auteuil

21 nov. 1944

Le Commissaire de Police certifie après vérification que Mr. Zalcberg Jacques dt 30 Bd Exelmans a été arrêté par les Allemands le 14 mai 1941 et interné au Camp de Pithiviers, d’où il s’est évadé le 3-4-1942.

Son appartement a été vidé de tout le mobilier par les Allemands et son appartement reloué à un sinistré en Obre 1943

Cachet du Comant de Police du Quartier d’Auteuil Paris 16e

Le Commissaire de Police

Signé : illisible

Vu pour copie certifiée conforme

Le Maire de Ronfeugerai