Ceaucé : le préfet refuse le financement public du rétablissement du crucifix à l'école
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Usage pédagogique
- Date du document : 22/07/1942
- Référence : 2 W 11
- Auteur(s) : Georges Bernard
- Lieu(x) : Céaucé
- Période(s) : De 1914 à nos jours
Présentation :
Ce document constitue une nouvelle illustration des hésitations du régime sur la question de la laïcité. Il s’agit d’un courrier adressé le 22 juillet 1942 par le préfet Georges Bernard (en poste du 3 novembre 40 au 30 janvier 44) au maire de Ceaucé, une commune située à l’Ouest du département. Il s’oppose à la décision prise par le conseil municipal de financer par l’argent de la commune le rétablissement des crucifix dans les écoles.
On a déjà évoqué, à propos du document précédent, le vaste mouvement par lequel, notamment dans la France rurale, les mairies décident à partir de 1940 de rétablir les emblèmes religieux dans les bâtiments publics et particulièrement dans les salles de classe (voir aussi l’introduction du chapitre).
En avril 41, le chef du gouvernement Darlan a tenté de s’opposer à ce mouvement, conformément à la loi de séparation de 1905. Cependant, il s’est heurté à l’opposition des conservateurs cléricaux, toujours influents à Vichy et dans l’opinion, et a dû adopter en juillet 41 une position de compromis : le rétablissement des emblèmes religieux sera autorisé à condition qu’il reçoive l’accord d’une majorité des habitants de la commune.
L’étude du document précédent montre que, en réalité, c’est l’unanimité du conseil, et non la simple majorité qui est requise. Vichy, à travers ses préfets, veut éviter de rallumer les querelles religieuses. Ce courrier est dans la même logique : on ne sait pas dans quelles conditions la décision de rétablir le crucifix a été prise à Ceaucé mais le préfet estime en tout cas que le financement de cette mesure doit être pris en charge par les contribuables qui l’ont réclamée. L’argent public ne peut être utilisé au bénéfice de l’influence de l’Eglise catholique ; le préfet préserve ainsi une partie de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, au moins dans le domaine budgétaire.
On ne connaît pas la réaction de la population de Ceaucé à cette décision préfectorale mais on peut tout de même souligner que l’attitude de Vichy en la matière n’est pas d’une grande clarté. Les hésitations du régime répondent aussi aux divisions de l’opinion publique et à son évolution. En juillet 42, nous ne sommes plus dans le contexte de 1940 où les cléricaux, dans un mélange de contrition et d’esprit revanchard, n’hésitaient pas à accuser l’école laïque d’être responsable de la défaite.