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Lilli annonce à Albert l'arrestation de Gustel, Rudolph et Edith

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 14/07/1942
  • Référence : Archives du Mémorial Yad Vashem (Israël)
  • Auteur(s) : Germaine Lilli Meyer
  • Lieu(x) : Alençon
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Le soir du 13 juillet 1942, Gustel Bonnem et ses deux aînés, Rudolph (17 ans) et Edith (15 ans) sont arrêtés à leur domicile de la rue des Granges à Alençon dans le cadre d’une vaste opération qui donnera lieu, deux jours plus tard à la rafle du Vél’ d’Hiv’ (voir dans ce dossier le chapitre « Juillet 42, les premières déportations »). Dès le lendemain, Lilli écrit à Albert pour l’en informer (voir ci-dessous la transcription du courrier, dont l’intégralité est disponible en version pdf par le lien ci-dessus).

Elle est accablée : où sont-ils emmenés ? Mais elle n’est guère surprise, et le vocabulaire utilisé indique que l’événement était attendu. Il lui suffit d’écrire qu’ils « sont partis », et cela suffira pour qu’Albert comprenne qu’ils ont été arrêtés et emmenés par la police allemande.

Deux jours plus tard, informée par des voisins, elle parviendra tout de même à les voir une dernière fois sur le quai de la gare avant leur départ pour Rouen, et à leur donner des colis. Gustel, Berthold et Edith seront rapidement transférés à Drancy puis déportés à Auschwitz au début du mois d’août.

Rue des Granges, Lilli reste avec ses parents, Julius et Ida, son petit neveu, Rudolph, trop jeune sans doute pour être raflé, et la grand-mère Rebecca Bonnem. Leur répit sera de courte durée car, comme elle le pressent dans ce courrier, ils seront arrêtés à leur tour quelques mois plus tard (voir les documents dans ce chapitre).

Transcription :

Mardi le 14 juillet 1942

Mon bon chéri,

Comme promis tu auras une lettre aujourd'hui, une lettre qui ne te fera pas plaisir, sûrement pas. J’ai une triste nouvelle à t’annoncer, Gustel, Berthold et Edith sont partis depuis hier soir. Schatzele, courage quand même et ne te révolte pas, ça ne sert à rien. Ils sont venus à deux à 9 h du soir pour les chercher*. Berthold était déjà au lit. Nous leur avons préparé leurs valises, linge pour changer une fois, articles de toilette, 2 couvertures, 2 taies d’oreillers, 2 draps et des enveloppes pour les couvertures, et des vivres pour 3 jours**.  Tu peux te rendre compte comme nous avions tous perdu la tête, sauf Berthold et Edith. Ils ont souligné vêtements et chaussures de travail. Et quand ça sera mon tour ?? Il faut s’y attendre d’un jour à l’autre, schatzele, car je suis en âge de travailler et ils ne vont pas m’épargner. Il faut avoir du courage, et si je peux endurer tout cela, ce n’est que pour toi et mes parents, car j’ai malgré tout, toujours l’espoir que nous pourrons nous revoir un jour. Mais je peux te dire que tout cela est dur de conserver l’espoir et le courage. Pense-donc si j’étais encore obligée de partir aussi, les parents resteraient tout seul avec Rudi. Si seulement nous savions où ils sont partis, et si seulement ils pourront nous donner de leurs nouvelles. Mr. G. était là dans l’après-midi, et je l’avais déjà préparé, qu’il pourrait nous arriver q.q. chose, et tu vois, c’est déjà arrivé. Car nous étions un peu au courant par un cousin de père qui habite Montargis, et qui est réfugié de la Lorraine ; le fils qui a 30 ans (je le connais) est parti depuis presque 3 semaines. Et avec le même transport que lui y avait une jeune femme avec sa sœur de 15 ans. Schatzele, courage, et encore une fois je te dis courage, et sois raisonnable, j’ai toujours peur qu’il t’arrive la même chose.
Rien de nouveau des nouvelles du frère d’Irène ; Nous étions si tranquilles et voilà, depuis hier soir, quelle vie. Schatzele, pardonne-moi que je te raconte tout ça, et que je ne peux pas t’épargner ce chagrin, mais cela ne servirait à rien. Il faut que tu sois au courant de ce qui se passe à la maison, pour ne pas être trop surpris le jour où je serais obligé de partir aussi.

Pour aujourd'hui, je t’embrasse mille fois tendrement,

Ta Lilli

Schatzele, promets-moi de ne pas faire des bêtises, quoiqu’il arrive, car moi je ne le ferai pas, je t’ai déjà dit, que je veux endurer pour avoir l’espoir de te revoir.

[En marge]
* en voiture
** assiette, timbale et cuillère

Thématique(s) :

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