Le 1er mai, une journée sous surveillance
-
Usage pédagogique
- Date du document : 30/04/1910
- Référence : M 1021
- Auteur(s) : Ministère de l'Intérieur
- Période(s) : De 1815 à 1914
Présentation :
Le document présenté est un télégramme codé adressé par le Ministère de l’Intérieur à tous les préfets de France à la veille du 1er mai 1910. Il illustre l’attention particulière que les autorités portaient à cette journée. Le texte décodé se trouve dans la transcription ci-dessous et au format pdf par le lien ci-dessus.
C’est en 1886 aux Etats-Unis que, pour la première fois, les syndicats appellent à la grève le 1er mai, pour réclamer notamment la journée de 8 heures. C’est un succès mais au cours des jours suivants certaines manifestations dégénèrent et entraînent une violente répression des pouvoirs publics. Trois ans plus tard, lors de la création de la IIe Internationale à Paris, en juillet 1889 (à l’occasion du 1er centenaire de la Révolution), les socialistes européens décident de faire du 1er mai la journée internationale des travailleurs.
Le télégramme fait appel à la « prudence » et à la fermeté des préfets. En effet, en France, la 2eme célébration de cette journée, en 1891, donne lieu à la terrible répression de la manifestation des mineurs de Fourmies (Nord) : 9 morts et 35 blessés. Au cours des années suivantes, le 1er mai reste une journée très sensible. La CGT, qui est alors l’une des principales forces syndicales, appelle à un bouleversement de l’ordre social et politique. Du côté des autorités, on craint la subversion révolutionnaire mais on redoute aussi les dérapages des forces de l’ordre qui pourraient alimenter le mécontentement et les instrumentalisations politiques. En 1906 notamment, on relève de nombreux affrontements à Paris où 40 000 soldats sont mobilisés.
Ce 1er mai 1910, le contexte politique est sensible : le télégramme évoque la « période électorale ». De fait, on est en plein milieu des élections législatives : le premier tour a eu lieu le 24 avril, le second se tiendra le 8 mai. Plus encore que les années précédentes, il faut donc éviter tout débordement susceptible de perturber cette séquence démocratique.
Pour le maintien de l’ordre, il n’existe pas alors de corps spécifique. Comme les effectifs de la police ou de la gendarmerie sont insuffisants pour faire face, c’est l’armée qui intervient le plus souvent lors des grèves ou des 1ers mai. On voit ici que le Ministère de l’intérieur recommande de faire appel plus particulièrement à la Cavalerie. On préfère alors éviter de recourir à l’Infanterie dont on redoute ou bien qu’elle ne fraternise avec les ouvriers, ou bien que, menacée, elle ne sache pas doser l’usage de la force. En 1921, sera créée la Gendarmerie Mobile, vouée spécifiquement au maintien de l’ordre.
Transcription :
Paris, le 30 avril 1910,
Intérieur Sûreté à préfets France. Chiffre spécial. Circulaire :
En ce qui concerne la journée de demain et en raison de la situation particulière créée par la période électorale, j’appelle de nouveau votre attention sur la nécessité d’être tout à la fois ferme et prudent de manière à éviter tout incident grave sur la voie publique. Je vous recommande d’employer de préférence la cavalerie si vous aviez à réprimer des manifestations violentes.
télégramme ministère intérieur décodé M1021.pdf