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La répression de la "grève de la thune", première grande grève nationale dans les chemins de fer

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 12/10/1910
  • Référence : Z 396
  • Auteur(s) : Eugène Schmidt
  • Lieu(x) : L'Aigle , Mortagne-au-Perche
  • Période(s) : De 1815 à 1914 , De 1914 à nos jours

Présentation :

En avril 1910, comme on l’a vu dans le document précédent, le Syndicat National des Travailleurs des Chemins de Fer, affilié à la CGT, a décidé le principe de la grève pour obtenir une harmonisation des salaires des cheminots sur la base de 5 francs par jour (une “thune” en argot). La grève de la thune commence le 8 octobre dans le réseau Paris Nord.

Le mouvement s’étend rapidement aux autres réseaux et gagne d’autres professions qui cessent leur travail en soutien aux cheminots. Le trafic est bloqué et dans certains dépôts, on assiste à des affrontements entre grévistes et non grévistes.

Le document présenté ici met en évidence l’inquiétude des autorités et la vigueur de leur réaction pour empêcher la grève générale et le blocage du réseau ferroviaire. Il s’agit d’un télégramme crypté adressé par le préfet, Eugène Schmidt, aux gendarmeries de L’Aigle et de Mortagne, le 12 octobre. Les services du Ministère de l’Intérieur (“mon administration”) ont appris que des grévistes parisiens envisageaient de venir dans ces villes pour soutenir et étendre le mouvement. Le préfet demande alors aux gendarmes une “réaction énergique”, ce qui implique si besoin l’emploi de la force. Le cryptage du document permet d’éviter que les grévistes ne soient informés par une indiscrétion des décisions prises par les autorités.

La fermeté du préfet de l’Orne est à l’image de la réaction du gouvernement dans son ensemble. La grève de la thune est fortement réprimée. Le 13 octobre, à la demande du président du Conseil Aristide Briand, la troupe occupe les installations ferroviaires. Pour briser la grève, le gouvernement impose aux cheminots une mobilisation militaire et procède à de nombreuses arrestations. Le 18 octobre, le syndicat met fin au mouvement mais la répression se poursuit et aboutit à plusieurs milliers de révocation.

Dans l’immédiat, la “grève de la thune” se solde donc par un échec. Cependant, un an après, les cheminots obtiennent gain de cause avec une augmentation des salaires et la mise en place d’un système de retraites harmonisé.

Transcription :

12 oct

4 h matin

Le Préfet à Capitaine de gendarmerie Mortagne. Lieutenant Laigle. Commissaire de police Laigle.

Mon administration est informée que des agitateurs parisiens vont en automobile débaucher les employés des chemins de fer qui n’ont pas cessé le travail.

Je vous prie de vouloir bien prendre immédiatement toutes mesures nécessaires pour qu’une surveillance active soit exercée à ce sujet et, au cas où des manœuvres semblables seraient constatées sur un point quelconque de votre circonscription, pour qu’il y soit mis fin aussitôt, même par une réponse énergique.

Vous voudrez bien me tenir au courant des divers incidents qui viendraient à se produire.