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Après la Libération, Alfred fait une demande d'aide en tant que réfugié

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 31/10/1944
  • Référence : Archives départementales du Tarn, 348 W 509
  • Auteur(s) : Alfred Kahn
  • Lieu(x) : Albi (Tarn) , Mouzieys-Teulet (Tarn)
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Lors de la libération du Tarn, Alfred, Rosa et leur fille Béatrice sont réfugiés à la ferme de la Bélaudié, dans le village de Mouzieys-Teulet, chez la famille Gasser, qui les avaient cachés à partir de l’automne 1943.

Ils ont échappé à la déportation mais, comme l’écrit Albert dans cette lettre adressée au préfet du Tarn le 31 octobre 1944, ils n’ont plus aucun revenu. Leurs économies, et notamment le petit pécule emporté par Rosa après la liquidation du magasin d’Alençon, ont disparu dans les frais médicaux et l’inflation galopante sous l’Occupation. Dans tous les territoires occupés, de très nombreux juifs qui ont échappé à la déportation se retrouvent dans cette situation : ils ont tout perdu. De plus, la santé d’Alfred est fragile : il se remet difficilement d’une hernie abdominale contractée pendant qu’il travaillait comme prestataire. Quelques semaines auparavant, Béatrice, sa petite fille, et lui ont aussi été victimes de la typhoïde, une infection bactérienne fréquente pendant la guerre, et causée le plus souvent par les mauvaises conditions d’hygiène.

Le maire de Mouzieys-Teulet, qui avait déjà apporté une aide précieuse aux Kahn en leur fournissant de faux papiers, appuie la démarche d’Alfred. Le préfet du Tarn donnera une suite favorable à la demande d’Alfred, qui pourra ainsi bénéficier d’une allocation de réfugié à partir du mois de novembre, revue à la hausse en mars 1945.

Les Kahn vont rester quelques temps encore chez les Gasser. Ils travaillent pour les dédommager de l’aide apportée quand ils étaient cachés. Ils sont sans nouvelle de la famille. A partir de l’hiver 1945, peu à peu, l’Europe découvre horrifiée ce que l’on appellera plus tard la Shoah. Pour les Kahn, l’espoir de revoir vivants les membres déportés de leur famille s’évanouit peu à peu.

Le document nous a été aimablement communiqué par les Archives départementales du Tarn. On trouvera ci-dessous la transcription du courrier et, en version pdf, l’intégralité du document par le lien ci-dessus.

Transcription :
Alfred Kahn

à la Belaudié

Cne  de Mouzieys-Teulet par Villefranche d’Albi

Le 31 octobre 1944,

Monsieur le Préfet du Tarn, Albi

Monsieur le Préfet,

J’ai l’honneur de vous exposer ce qui suit :

En février 1941, je suis venu habiter à Bellegarde. J’avais à ce moment des économies, qui en temps normal m’auraient permis (aidées par le résultat de mon travail en cultivant un peu de terre) de vivre tranquillement pendant quelques années. Mais l’augmentation du coût de la vie, quelques maladies et autres circonstances ont tout à fait changé mon budget.

En 1940, je fus atteint d’une double hernie lorsque j’ai été prestataire au camp St Antoine à Albi. A ma demande de me faire opérer le médecin du camp ne donnait pas suite, mais il me proposait d’acheter à mes frais un bandage, ce que j’ai fait. Mais en 1942 il me fallait quand même me faire opérer à l’hôpital d’Albi naturellement à mes frais. Après un séjour de 33 jours à l’hôpital malgré que les cicatrices n’étaient pas encore fermées, je pouvais rentrer chez moi, mais je restais pendant quelques mois incapable de travailler.

En 1943, au mois de septembre, on voulait me déporter. Après avoir laissé notre enfant de 7 ans en garde, ma femme et moi nous sommes partis pour nous cacher.

En 1944, à la libération nous avons rejoint notre fille et quelques jours plus tard, l’enfant et moi sommes tombés malade de la fièvre typhoïde (le 25 et 27 août).

Tous ces faits m’ont obligé à des dépenses extraordinaires qui sont épuisé mes économies et par mon absence forcée je ne pouvais pas travailler ce peu de terre que j’avais loué, même il me fallait abandonner ma basse-cour en septembre 43.

Je me permets, Monsieur le Préfet, de solliciter de votre haute bienveillance la faveur d’être considéré avec ma famille comme des réfugiés. Je suis venu en juin 1940 avec un convoi militaire comme prestataire à Albi, mon domicile était Alençon (Orne). Etant juif, je ne pouvais plus rentrer chez moi.

Voici une récapitulation de mes dépenses extraordinaires

1940/41          Bandages pour mes hernies                                                            Frs             1015

1942                Frais de l’opération à l’hôpital avec transport                                             2500

1943                Dépenses pour nourriture etc. pendant notre exil                                      15000

1944                Fièvre typhoïde : le médecin Dr Clermant, Villefranche                              1700

                                                          Remèdes dans plusieurs pharmacies                        1260

                                                                                                                                 Frs            21475

 

J’ose croire que vous donnerez une suite favorable à ma demande et je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à mes sentiments respectueux.

Alfred Kahn

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