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Lettre de Lilli à Albert Meyer le 23 juin 1942

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 23/06/1942
  • Référence : Archives du Mémorial Yad Vashem (Israël)
  • Auteur(s) : Germaine Lilli Meyer
  • Lieu(x) : Alençon , Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne)
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Alfred est arrêté le 16 janvier 41 pour avoir tenu des propos hostiles à Hitler, puis incarcéré à Caen pendant une année. En janvier 42, il est transféré dans la prison militaire de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Jusqu’à son arrestation en novembre 1942, Lilli entretient une correspondance abondante avec son époux, son « schatzele » (son chéri) comme elle l’appelle dans ses courriers. Plus d’une centaine de lettres sont ainsi conservées par le Mémorial de Yad Vashem.

Ces courriers, simples et très émouvants, racontent la vie quotidienne d’une famille juive à Alençon sous l’Occupation, entre l’ordinaire de la vie quotidienne et l’horreur des persécutions raciales. Lilli se démène pour envoyer régulièrement à Albert de petits colis : nourriture, lames de rasoir, poudre anti-poux, vêtements. Le contenu des colis est toujours détaillé dans les courriers, pour qu’Albert puisse vérifier qu’il a bien tout reçu ; les vols étaient fréquents comme on peut le voir dans ce courrier daté du 23 juin, alors qu’Albert est encore à la prison de Villeneuve-Saint-Georges. Cette fois, Lilli a utilisé la machine à écrire (le document intégral peut être téléchargé en pdf par le lien ci-dessus).

Lilli s’efforce de distraire Albert de son existence monotone de prisonnier. Elle lui raconte les petites choses de la vie ordinaire : les visites (nombreuses) des voisins et des amis, les fêtes religieuses, l’avancement du potager, les leçons de piano données à Edith, les baignades à la piscine en été, les promenades, les recherches pour trouver tous ces produits que la guerre a rendu rares et chers : la viande, les fruits, les chaussures de qualité, l’huile. Elle évoque aussi les persécutions et évidemment les arrestations à partir de juillet 42.

Ici, le courrier fait allusion au port de l’étoile jaune, la « décoration » selon Herta, la sœur de Lilli. L’obligation de la porter date du 29 mai 42 (voir dans ce dossier Les persécutions en France/L’étoile jaune) mais elle ne concerne que la zone occupée puisque Vichy, craignant la désapprobation de la population, ne l’a pas imposée en zone libre. Herta et sa famille, réfugiés près de Lyon, ne sont donc pas concernés. « Portez la fièrement » ("Tragt ihn mit Stolz") écrit Herta, qui interroge aussi Lilli sur les réactions des gens.  De fait, cette nouvelle mesure entraîne des manifestations de solidarité parmi la population. C’est que, pour la première fois, la persécution est devenue visible ; de plus, la popularité de Vichy s’essouffle à mesure que durent la guerre et les difficultés de la vie quotidienne. Ainsi, Lilli écrit à Albert quelques jours plus tard : « vendredi matin, Gustel était en ville pour faire des courses, une dame que nous connaissons de vue, mais pas personnellement l’a suivie, lui a donné la main en disant : « je ne vous connais pas je ne sais pas qui vous êtes, mais je vous donne la main, parce que vous portez cette étoile. » »

Dans ses courriers, Lilli ne manque jamais de donner des nouvelles des amis et de la famille : ceux de Lavelanet (Liesel, Edgard et Béatrice), ceux de Bellegarde, près d’Albi (Alfred, Rosa et Berthie), ceux de Lyon (Hertha, Siegmund et leurs trois garçons) l’oncle Mirthil et la tante Flora de Paris, et bien d’autres encore. Dans cette lettre, on apprend qu’Alfred (le grand frère de Lilli) se porte mieux : un mois plus tôt, il avait subi une opération pour une hernie abdominale dont les suites avaient été compliquées. Parfois, Gustel, Edith ou Rudolph ajoutent un petit mot sur la carte, toujours très chaleureux ; ici, c’est sa belle-mère, Ida Kahn, qui ajoute « Je t’embrasse beaucoup ta mère ».

Les lettres de Lilli pour Albert sont toujours très tendres. Elle ne cesse de lui répéter qu’elle l’aime, qu’il lui manque et qu’elle attend avec toujours plus d’impatience le moment où ils seront enfin réunis. Cependant, elle reste toujours très pudique ; sans doute parce que tel est son caractère, sans doute parce que l’époque était ainsi, mais certainement aussi parce que, comme elle l’écrit à plusieurs reprises, ses lettres sont lues par l’administration pénitentiaire. Certaines sont d’ailleurs censurées.
 

Thématique(s) :

  • Sciences sociales
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