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La Résistance élimine un collaborationniste : Gabriel Morineau, membre du MSR

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 04/07/1944
  • Référence : 2 W 15
  • Auteur(s) : Préfecture de l'Orne
  • Lieu(x) : Carrouges
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Le 26 juin 1944 (et non pas le 28, comme l’indique le document), la Résistance ornaise assassine à Carrouges Gabriel Morineau, un collaborationniste notoire. Deux jours plus tard, le 28, lors d’une rafle, les services de sécurité allemand (gestapo) et leurs auxiliaires français (menés par le sinistre Bernard Jardin) arrêtent et exécutent Marcel Mollin, l’auteur de l’assassinat de Morineau. Issu des fonds de la préfecture, le document présenté témoigne de cet épisode. Il s’agit d’un courrier des renseignements généraux d’Alençon destiné à leur supérieur à Vichy. On remarquera en passant que le papier utilisé porte encore l’en-tête « République française », barré toutefois pour être remplacé par « Etat français ».

Gabriel Morineau est un ingénieur des Travaux Publics, dirigeant pour l’Orne du Mouvement Social Révolutionnaire (MSR). Le MSR, fondé en 1940 par Eugène Deloncle, ancien membre de la Cagoule, est un mouvement antisémite et fascisant. Comme le Parti Populaire Français ou le Rassemblement National Populaire, le MSR est partisan d’une collaboration étroite avec les nazis. Dans l’Orne, il compte une trentaine d’adhérents, prêts à agir directement contre les résistants aux côtés des Allemands. Gabriel Morineau est aussi le délégué cantonal de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (LVF), qui fut créée en juillet 41, quelques semaines après le début de l’invasion de l’URSS, afin de recruter des volontaires pour se battre aux côtés de l’Allemagne contre les Soviétiques. Enfin, Morineau est membre des Comités Ouvriers de Secours Immédiat (COSI). Créés en 1942 après les bombardements des usines Renault de Billancourt, ce sont des mouvements d’influence qui diffusent leur propagande collaborationniste auprès des ouvriers.

Collaborationniste acharné, Morineau est donc une cible prioritaire pour les résistants ornais. Le 26 juin, un membre du groupe du Bureau des Opérations Aériennes (BOA) de Tanville, surnommé « Le Mataf », accompagné de Marcel Mollin, un Mosellan enrôlé de force dans l’armée allemande puis déserteur, et d’un troisième homme, tendent une embuscade à Morineau à la sortie du bourg de Carrouges. Il est exécuté sur un petit chemin.

Quelques jours plus tard, la gestapo et ses auxiliaires français mènent une importante opération contre le maquis de Francheville.  Dix résistants sont exécutés sans autre forme de procès, 5 autres seront déportés. Marcel Mollin, identifié par la gestapo comme membre du groupe qui a assassiné Morineau, fait partie des dix personnes assassinées.

Ce document illustre donc la violence des affrontements entre la Résistance et les collaborationnistes alors que l’Etat français s’effondre. On retrouve ici le contexte de « pré-guerre civile » évoqué par un rapport du Comité Français de Libération Nationale, cité par Julian Jackson (La France sous l’Occupation, 2004, p. 624). On peut aussi voir dans l’exécution de Morineau un épisode de l’épuration extra-judiciaire dans le département de l’Orne.