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Un récit du bombardement du 17 juillet 1944

  • Usage pédagogique Usage pédagogique
  • Date du document : 21/07/1944
  • Référence : 41 J 123
  • Lieu(x) : Alençon
  • Période(s) : De 1914 à nos jours

Présentation :

Le lundi 17 juillet, en fin de matinée, Alençon subit un violent bombardement, raconté dans le document présenté ici. Il s’agit d’un courrier daté du 21 juillet 1944, adressée à une amie par une résidente d’Alençon réfugiée à Ancinnes (Sarthe) pour fuir les bombardements. Nous ne connaissons ni l’identité de l’auteur ni celle du destinataire. Cette lettre provient du remarquable fonds documentaire sur la Seconde Guerre mondiale dans l’Orne constitué par Jean Vigile (mort en 1991), instituteur et correspondant ornais du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Jean Vigile l’a remis en don aux Archives départementales en 1983.

Le bombardement du 17 juillet a causé de graves dégâts : le carrefour de la rue de Bretagne et de la rue Jullien est rasé, tout comme les maisons autour des rues Piquet, de la Fuie et du Docteur Becquembois. La place Lamagdelaine est touchée également et l’église Notre-Dame endommagée. Le courrier évoque aussi de nombreuses victimes civiles.

On saisit dans ce texte l’immense désarroi de ces Normands qui, en quelques heures, perdent tout ce qu’ils possèdent et doivent se réfugier, par dizaines de milliers, dans les campagnes pour se mettre à l’abri. On y perçoit aussi la colère face au manque de précision dans les largages, qui cause de nombreux dégâts sans aucune efficacité militaire. Ainsi ce témoignage reflète-t-il assez fidèlement l’état de l’opinion.

On trouvera ci-dessous une transcription du courrier.

Transcription :

Ancinnes, 21 juillet 1944,

Chère amie,

On m’a apporté votre lettre hier et j’ai été heureuse d’avoir de vos nouvelles. Hélas ! je n’ai plus de maison. Les forteresses volantes me l’ont abattue (sauf la façade) lundi à 11 h 40. Les [familles ?] Rousseaux, Gouin, Raimbault et combien d’autres sont dans mon cas. De la Banque de France au boulevard, ce ne sont plus guère que des ruines. L’objectif était sans doute la caserne vide et non atteinte. L’église ND est très touchée face à la place Lamagdelaine, la bijouterie Camus est par terre ainsi que les maisons d’à côté (objectif ???). Le haut de la rue Jullien et celui de la rue de Bretagne ne sont plus que des ruines (camion d’essence sur la petite place et garage Bayi visés sans doute et atteints). Il n’y a plus guère de carreaux aux maisons d’Alençon. Par bonheur, c’était lundi, jour où les magasins sont fermés et où les Alençonnais sont à la campagne. Un autre jour, il y aurait eu des centaines de victimes. On en comptait une soixantaine mardi mais il en reste sous les décombres. Quelle horreur que ces bombardements ! Quelles inventions diaboliques que ces forteresses volantes et ces avions sans pilote ! Le Bon Dieu nous fait voir ce que vaut la Science qui a éloigné de lui tant d’âmes.

J’ai pu récupérer du linge et un peu de literie (dans mon ancien bureau). C’est resté à Alençon et je ne me fais pas d’illusion car je pense que la ville sera rasée. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes ici, Mme Deb., ces demoiselles Rousseaux (pauvres vieilles !) et moi. Nous sommes au calme relatif et cela me fait du bien de sortir d’une cave où je couchais depuis sept semaines.

Priez pour moi chère amie car c’est dur de perdre en quelques minutes le fruit du travail de ses parents et le sien. J’ai pleuré devant les ruines de la maison que ma pauvre maman aimait tant. Comme elle est heureuse ! Maintenant, le sacrifice est accepté. Fiat.

Que le bon dieu vous protège toutes deux ; je vous embrasse affectueusement.

[ ?] Broux

La Fourmillerie Ancinnes Sarthe

[Ajout en marge en haut de la 1ere page :] Priez pour que nous puissions rester ici jusqu'à la fin.

  • Un récit du bombardement du 17 juillet 44 à Alençon 41J123.pdf

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