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Biens nationaux

Les biens nationaux sont constitués du patrimoine immobilier et mobilier confisqué au clergé (biens de première origine) et aux émigrés (biens de seconde origine) pendant la Révolution française. Ils ont été vendus par les administrations de district jusqu’en l’an III (1795) puis par celle du département à partir de l’an IV (1796). Pour mieux comprendre et utiliser les archives relatives à la vente des biens nationaux, voici quelques indications pratiques.

   

La vente des biens nationaux, confisqués au clergé et aux émigrés pendant la Révolution française, a laissé une documentation abondante regroupée dans la sous-série 1Q Biens nationaux des Archives départementales.

Présentation générale

 

La sous-série 1Q

 

La sous-série 1 Q concerne le séquestre et la vente des biens nationaux avec leurs conséquences dans le département de l’Orne, pour la période 1790-1830. Elle s'est constituée à partir d’une double origine qui structure le classement des documents :

  • l’administration des districts, du département et de la préfecture : fournit la documentation pour la plupart des recherches à l’exception de celle relative aux aspects financiers ;
  • l’administration de l’enregistrement et des domaines : a produit quelques documents faisant double emploi avec ceux évoqués précédemment mais surtout regroupe toute la comptabilité des biens nationaux.

 

Les deux catégories de biens nationaux :

 

  • les biens de première origine : biens confisqués au clergé (abbayes, cures, fabriques, fondations, hôpitaux et collèges) ;
  • les biens de seconde origine : biens confisqués aux émigrés, condamnés, déportés et reclus (surtout les nobles et les prêtres).

S’y ajoutent :

  • les biens du domaine royal, relevant de la première origine, et les biens communaux bénéficiant d’un classement particulier.

 

La chronologie des opérations du séquestre et de la vente des biens nationaux :

 

  • la « nationalisation » ou plus exactement, selon les termes de l’époque, la « mise dans la main de la Nation » : des biens ecclésiastiques (abbayes, prieurés, chapelles, cures) en novembre 1789 par l’Assemblée Constituante, puis, en 1792 les fabriques, en 1793 les écoles et collèges, en 1794 les hôpitaux. Et celle des biens d’émigrés en février 1792 par l’Assemblée législative.

Ces décisions législatives sont mises en application par les administrations locales, d’une part, les districts, le département puis la préfecture, d’autre part, l’Enregistrement, qui veillent à :

  • l’établissement du séquestre et l’administration des biens en attendant la vente qui d’ailleurs ne concerne pas obligatoirement l’ensemble des biens saisis ;
  • enfin, sous l’Empire et surtout au temps de la Restauration, la restitution des biens non vendus à leurs anciens possesseurs revenus d’émigration. En 1825 est votée une loi prescrivant l’indemnité du « Milliard des émigrés » afin de compenser le préjudice subi.

 

Les catégories de documents

 

Les documents concernent à la fois :

  • les immeubles (maisons et terres) ;
  • le mobilier (meubles mais aussi « fruits » du séquestre tels que récoltes, fruits, bestiaux, etc.) ;
  • les rentes, les droits seigneuriaux et les créances.

 

Les différents types de documents

 

Chaque étape dans le déroulement de la vente des biens nationaux ou du séquestre produit des documents particuliers et complémentaires :

 

L’établissement du séquestre :

  • les déclarations des biens par les abbayes, cures, etc. (districts) ;
  • les listes d’émigrés et de leurs biens : listes nationales (département) et listes départementales (département, districts). 

 

L’administration du séquestre :

  • les états de consistance des biens séquestrés, surtout des biens d’émigrés (direction et bureaux locaux de l’enregistrement) ;
  • les pièces relatives aux travaux et à la location des terres et bâtiments (département et préfecture, districts, direction de l’enregistrement) ;
  • la gestion des bâtiments importants (abbayes et collèges, églises) et leur affectation à des administrations ou à des activités économiques (districts, département et préfecture) ;
  • les biens communaux, les forêts et bois nationaux (département et préfecture,  direction de l’enregistrement).

 

La vente des biens nationaux : un système complexe, avec 30 modes de paiement différents, qui nécessite quelques explications pour mieux utiliser la documentation :
      

Les ventes au chef-lieu du district jusqu’en brumaire an IV (novembre 1795) : 

  • Loi de 1790 : par enchères et paiement en assignats ;
  • Loi de 1793 : mêmes modalités pour les biens d’émigrés, des condamnés et des prêtres déportés ;
  • Loi de prairial an III (juin 1795) : suspension des enchères pendant une semaine puis rétablissement et arrêt en brumaire an IV à cause de l’effondrement de l’assignat.

Les ventes au chef-lieu de département, à Alençon, à partir de ventôse an IV (avril 1796, avec trois régimes successifs :

  • Ventôse an IV (avril 1796) : sur simple soumission sans enchères, paiement en mandat territorial ;
  • Brumaire an V (novembre 1796) : rétablissement des enchères, paiement partie en numéraire et partie en papier monnaie ;
  • Floréal an X (mai 1802) : enchères et paiement en numéraire.

Les documents produits par les opérations de ventes sont : 

  • les soumissions d’acquérir (districts, département et préfecture) : propositions d’achat ;
  • les estimations des biens soumissionnés (districts, département et préfecture) : des documents relatifs aux soumissions et aux estimations se trouvent également dans des dossiers par communes relatifs à la vente des biens ecclésiastiques et d’émigrés (classés par district) ;
  • les affiches d’annonce, les procès-verbaux, les contrats de ventes, les états mensuels ou récapitulatifs des ventes (districts, département et préfecture, direction de l’enregistrement) ;
  • les registres de recettes, les sommiers de comptes, les décomptes d’acquéreurs (direction de l’enregistrement et bureaux locaux).

 

Les rentes et les créances sur le clergé et les émigrés :

Correspondance, états, pièces comptables ; également des papiers relatifs au rachat des droits seigneuriaux (districts, département et préfecture, direction et bureaux de l’enregistrement).

 

Le mobilier :

  •      les inventaires (districts) ;
  •      les procès-verbaux de ventes (districts).

Les inventaires et les procès-verbaux de ventes se rapportent au mobilier des émigrés et du clergé et aussi aux ornements d’église et vases sacrés (appelés matières d’or et d’argent).

 

Les restitutions et indemnités :

  • les restitutions, assez peu nombreuses : correspondance, états des restitutions aux fabriques et hôpitaux et aux émigrés (préfecture, direction de enregistrement) ;
  • les indemnités : la liquidation de l’indemnité dite du Milliard accordée aux émigrés (rente dont le capital est d’1 milliard de francs) a produit les dossiers individuels de demandes (très utiles), les avis du préfet et les résultats des demandes (préfecture).

Telles sont les principales catégories de documents de la sous-série 1 Q susceptibles de rendre des services dans la plupart des recherches. Malheureusement, très peu de plans sont conservés.

 

Le cadre de classement

 

Ces documents sont organisés selon un cadre de classement répondant aux normes règlementaires ainsi qu’à une double préoccupation administrative et thématique :

  • le classement « administratif » s’articule ainsi :

             * Fonds du département et de la préfecture, des districts
                 - Département et préfecture ;
                 - Districts (dans l’ordre alphabétique).

             * Fonds de l’administration de l’enregistrement et des domaines
                 - Direction de l’enregistrement et des domaines ;
                 - Bureaux locaux de recette (dans l’ordre alphabétique).

  • le classement thématique à l’intérieur de chaque subdivision administrative est presque toujours le même, en fonction des documents présents :

                 - Instructions et circulaires, correspondance générale ;
                 - Vente des biens nationaux ;
                 - Séquestre des biens nationaux : listes des biens, organisation du séquestre, créances, restitutions et indemnités ;
                 - Administration des biens nationaux : états de consistance, locations, bâtiments, biens communaux et bois ;
                 - Domaines engagés et échangés ;
                 - Mobilier national ;
                 - Rentes ;
                 - Affaires contentieuses.

 

Les recherches

 

Toute recherche sur les biens nationaux doit combiner des informations provenant de toutes les sources émanant des différentes administrations. À cet effet, il convient d’utiliser à la fois le sommaire du répertoire et son index détaillé.

 

Recherches sur les biens ecclésiastiques :

  • Partir des dossiers communaux, classés par districts, qui, pour les ventes antérieures à l’an IV, renferment fréquemment soumissions d’acquérir et procès-verbaux d’estimation, parfois copie de l’acte de vente ;
  • Pour connaître la date d’une vente, recourir 

        - soit à des états des ventes (des districts ou du département et même de l’enregistrement) ;
 
 

Extrait de l’état des ventes de biens de première origine du district de Domfront : la date indiquée à gauche permet de se reporter au registre des ventes (1Q1007)

Extrait de l’état des ventes de biens de première origine du district de Domfront : la date indiquée à gauche permet de se reporter au registre des ventes (1Q1007)

 

        - ou alors consulter directement les décomptes d’acquéreurs (classés par commune de situation des biens, direction de l’enregistrement), 
 

Extrait du décompte d’acquéreur pour la vente de l’abbaye d’Essay : la date de vente (18 prairial an IV) et le régime des ventes (loi du 28 ventôse an IV) apparaissent en haut du document (1Q1405)

Extrait du décompte d’acquéreur pour la vente de l’abbaye d’Essay : la date de vente (18 prairial an IV) et le régime des ventes (loi du 28 ventôse an IV) apparaissent en haut du document (1Q1405).
    

Ces documents donnent la date des ventes et permettent ensuite d’accéder aux registres des ventes (districts, département ou préfecture suivant les périodes).

  • Le mobilier des églises et des émigrés sera connu aisément à l’aide des dossiers « mobilier » des districts et du département ;
  • Quant aux rentes et aux créances, rares sont les recherches à leur sujet mais la documentation abondante se partage entre les différentes administrations ;
  • Enfin les bâtiments importants ont souvent été affectés à des administrations et les traces de leur location et de leurs éventuelles réparations et utilisations sont conservées dans les dossiers consacrés à l’administration des biens nationaux.

 

Recherches sur les biens d’émigrés

Les recherches relatives aux biens d’émigrés se conduisent de la même façon que celles consacrées aux biens ecclésiastiques. Cependant les dossiers individuels d’émigrés dressés pour l’indemnité du Milliard (dans le fonds de la Préfecture) sont très pratiques puisqu’ils mentionnent pour chaque émigré toutes les ventes de biens qui sont intervenues (date, nature, prix) et permettent ainsi de se diriger vers les registres de ventes.
 

Extrait du dossier de demande d’indemnité de l’émigré Le Rouillé des Loges (1Q449)

Extrait du dossier de demande d’indemnité de l’émigré Le Rouillé des Loges (1Q449)

 

Les investigations consacrées au mobilier, aux rentes et aux créances suivent la même démarche que pour les biens ecclésiastiques.

Cependant les dossiers consacrés au séquestre des biens nationaux (surtout ceux des districts, du département et de la préfecture) permettent d’aborder des aspects plus particuliers, à savoir les listes d’émigrés, les partages des successions, les levées du séquestre mis sur les biens, etc.

Il ne faut pas non plus oublier que tous les biens séquestrés n’ont pas été vendus ; les sommiers de consistance des biens d’émigrés et de parents d’émigrés ou encore de condamnés et de prêtres déportés (fonds de la direction et des bureaux de l’enregistrement) mentionnent l’ensemble des biens séquestrés, vendus ou non

Ainsi une recherche approfondie sur les biens nationaux est possible à la condition de recourir à ces sources diverses et complémentaires.